Soldats d'Alleins morts en 14-18

Ils s’appellent Marius, Louis, Lucien et leurs noms sont sculptés dans la pierre sur les plaques fixées sur le beffroi du village. Chacun d’entre nous passe devant, au cours de ses activités quotidiennes, mais qui prête attention à eux ?

Ils étaient agriculteur, maçon ou menuisier et leur mémoire est célébrée tous les ans, le 11 novembre, devant le monument aux morts qui se dresse à l’entrée du cimetière.

Ils avaient 30, 20, parfois même seulement 18 ans et ils faisaient partie des poilus lors du conflit que leurs contemporains ont nommé la Der des Der, mais que nous avons dû rebaptiser malheureusement la Première Guerre mondiale.

Eux, ce sont les soldats morts pour la France à qui le village d’Alleins a rendu hommage lors de l’érection du monument.

Cette liste de noms a été établie à l’issue du conflit, dans les années 20, alors que le pays cherchait à panser ses blessures et à honorer la mémoire des nombreux hommes morts au front.

Dans chaque commune de France, ont été établies des listes de noms de soldats déclarés “morts pour la France”. Cette mention officielle figure sur leur acte de décès et parfois même sur leur fiche matricule (ce document retraçait le passage des hommes dans l'armée, de leur service militaire à leurs services lors de conflits). Certains ont été appelés lors de l’entrée en guerre de la France le septembre 1914, d’autres se sont engagés volontairement.

Les recherches en cours permettent de commencer à dessiner leurs profils, en retraçant quelques éléments de leurs vies, laissant apparaître au fil des documents leur lien avec le village d’Alleins. Pour d’autres encore, le mystère reste entier, il m’est encore impossible de retrouver leur trace dans un quelconque document.

Voici quelques mots à propos de certains d’entre eux.

Baptiste Antoine FORCO a 27 ans lorsqu’il épouse, le 17 février 1912 à Alleins, Marie Marcelle MANDINE, 18 ans. Ce jeune maçon vit depuis quelques années à Alleins. Il est originaire de Cogolin (Var), où il est né en avril 1885 de Antonio et Maria, immigrés italiens.

La famille de Marie Marcelle, les Mandine, est une famille alleinsoise dont les générations se succèdent encore de nos jours dans le village. Son père Joseph Victorin Mandine a exercé plusieurs professions depuis sa jeunesse. En 1894, l’acte de naissance de Marie Marcelle nous apprend qu’il est cafetier, est-ce au Café du Commerce encore établi à Alleins sur la même place de nos jours ?

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Marie Marcelle voit successivement son époux et son frère, Jean Baptiste Emile MANDINE, partir au front. Aucun des deux n’en reviendra, ils meurent tous les deux la même année.

Baptiste Antoine Forco décède de suites de blessures dans la Marne en mars 1915, à l’âge de 29 ans.

Jean Baptiste Emile Mandine part en Grèce lors de l’expédition de Salonique, appelée aussi Front de Macédoine, destinée à soutenir l’armée serbe lors de l’invasion de la Serbie. Il a seulement 24 ans lorsqu’il succombe à ses blessures au mois de décembre 1915.

Une autre famille alleinsoise, les ROCHE, voit deux de ses enfants disparaître pour la France.

Casimir Edouard Roche, cultivateur, épouse en 1888 à Alleins Berthe Elisa Bourrely, jeune femme de Rognac. Ils donnent naissance à de nombreux enfants, dont deux garçons dont le destin est tragiquement lié à l’histoire de notre pays.

Léopold Victorin ROCHE est l’aîné de la fratrie, né en mai 1890. Ce jeune cultivateur devient ensuite boulanger dans le village. Au cours de la guerre, il rejoint le 159e Régiment d’Infanterie dans la Marne. Ses faits au combat lui valent une citation lorsqu’il est tué à l’ennemi : “tombé à son poste de combat le 20 juillet 1918 en se portant à l'assaut des positions ennemies sous de violents bombardements”. Il a 28 ans. La croix de guerre avec étoile de bronze lui est décernée à titre posthume.

Son jeune frère Augustin Elie ROCHE est décédé l’année d’avant. Les combats l’ont porté jusqu’en Grèce, où il est blessé le 3 avril 1917. Il succombe à ses blessures le 05 avril. Ce jeune cultivateur de 21 ans s’était marié en septembre 1916, à Alleins, avec Lucienne Ernestine Ollivier, fille de berger.

Mars 1887, Djendel Saadi Mohamed (Algérie). Les jumeaux Hélène et Charles GALIBERT poussent leur premier cri. Leurs parents, Charles Galibert et Régina Weitman, se sont mariés en mars 1886 à Azzaba. Les grands-parents des enfants se sont établis quelques années plus tôt dans l’Algérie à la recherche d’une vie meilleure. La famille paternelle est originaire du Gard, tandis que leurs ancêtres maternels viennent de l’est de la France.

La petite Hélène décède quelques mois plus tard. Charles, lui, grandit et il devient forgeron. Nous savons qu’il se fait recenser militairement à Constantine. Puis nous retrouvons sa trace à Alleins, en 1911 (recensement de population).

Il est mobilisé pour la guerre le 03 septembre 1914 et part au combat dans la Meuse où il trouve la mort, “tué à l’ennemi” le 11 septembre 1914. Il a 27 ans.

Une médaille militaire lui est délivrée à titre posthume en 1922.

Plaques apposées sur le Beffroi et Monument du cimetière

Bas-relief à l'Eglise paroissiale Sculpté et offert par Marguerite Varigard. Inauguré en Septembre 1920

Comme indiqué précédemment, les travaux de recherche sont toujours en cours. Il s’agira de continuer à étudier les documents consultables aux Archives départementales et aux Archives municipales, mais également les travaux historiques déjà effectués, pour étoffer leurs biographies, mais aussi mieux comprendre le contexte local (à quoi ressemblait Alleins à cette époque ? Qui a pu proposer “son” soldat, qui a établi cette liste de noms, et sur quels critères ? Qui a financé la construction du monument aux morts ? Pourquoi et par qui des plaques ont-elles aussi été installées sur le beffroi et dans l’église ?...)

Si vous reconnaissez parmi ces hommes un de vos ancêtres, si vous détenez des informations utiles pour permettre l’avancement des recherches, je prendrai avec plaisir.

Et si vous avez une photo pour mettre un visage sur ces vies sacrifiées, ce sera un honneur de poser les yeux dessus.

Laure Révolu

Sources utilisées pour ces travaux de recherche : Archives Départementales des départements concernés (notamment Bouches-du-Rhône), MemorialGenWeb, Mémoires des Hommes.

Photos : ©Laure Revolu