Les petits métiers d'antan dans la crèche provençale
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En cette période de Noël où nos santons sortent de leur boîte, voici le souvenir de ces petits métiers ambulants qui peuplent maintenant la crèche provençale tels que décrits par Léon Preteroti.

La marchande de limaçons
Dans mes souvenirs des marchands ambulants, il y a la marchande de limaçons. Avec les limaçons, on retourne dans la tradition provençale ancienne, une époque où l'on se nourrissait avec ce que l'on ramassait. On appelle limaçons ces petits escargots de couleur blanche qui envahissent les plans de fenouil et autres. Une fois cuits dans l'eau salée additionnée de différents aromates, dont le fenouil, ces délicieux petits gastéropodes étaient vendus dans les rues par la marchande de limaçons. Elle était souvent attendue impatiemment avec son récipient en bandoulière, on l'entendait arriver grâce à son refrain « A l’aigo sau lei limaçoun. Aven de gros emé de pichoun. A l’eau salée les limaçons, nous avons des gros et des petits ». La vieille dame les sortait de sa marmite à l'aide d’une écumoire. Elle mettait une louchette de ses limaçons dans un cornet de papier. Elle avait de bons clients à Alleins, généralement des hommes: les messieurs tiraient une épingle du revers de leur veston pour extraire l'animal de sa coquille. Et depuis qu'elle a disparu de nos rues, la marchande de limaçons a trouvé sa place parmi les principaux santons de la crèche provençale.

La marchande de limaçoun
Santons Le Moulin à huile
Le rémouleur
C'était avant la guerre. Le rémouleur arrivait avec son « bati », une construction en bois munie d'une meule de grès qu’il portait sur le dos. Il s'installait place de la République, puis parcourait le village criant « Siéu l’amoulaire, amoueli coutèu e cisèu pèr quauquei sòu. Je suis le rémouleur. J’affûte couteaux et ciseaux pour quelques sous. » Les ménagères lui confiaient leurs couteaux et ciseaux, les vendangeurs, leur serpette et les trois bouchers du village leur précieux matériel. Il ne notait jamais rien et ne se trompait jamais quand il rapportait les objets à leur propriétaire.
Il revêtait un grand tablier de cuir pour se protéger et actionner sa meule avec le pied, son travail devenait spectacle de rue. Avec les gamins du village, on courait pour le voir travailler. Sa petite meule faisait des étincelles, on aurait dit des feux d'artifice. Si rémouleur n'est pas un métier typiquement provençal, de par son importance dans la vie des villageois, il a gagné sa place dans la crèche provençale.

Le chiffonnier
Bien avant la mode du développement durable, l’estrassaïre faisait déjà du recyclage. Ramasseur et vendeur d’estrasse, ce gagne-petit n'était autre que le chiffonnier. En provençal, estrasse veut dire chiffon ou vieux linge. Comme tous les marchands ambulants, le chiffonnier visitait la région, Alleins était sur son parcours, avec un sac à l'épaule à la recherche de vieilles nippes, guenilles, linge de maison : il préférait le coton, plus facile à vendre au moulin à papier. C'étaient les chiffons récoltés par le chiffonnier, qui, une fois traités, étaient vendus aux garages pour servir d’essuie-mains. Il récupérait tout : vieux papiers, peaux de lapin pour la confection de chapeaux de fourrure, ainsi que les ustensiles en cuivre. Combien de casseroles, chaudrons et autres ont été ainsi vendus par nos grands-mères!
Il allait de maison en maison, en criant: « Estrassaire, pèu de lèbre, pèu de lapin - Peau de lièvre peau de lapin. » Quelques portes s'ouvraient et les ménagères, les bras chargés, allaient à sa rencontre, il les accueillait avec son « peson » à la main pour estimer le poids de la pacotille, il les payait de quelques pièces de monnaie. Il n'avait pas bonne réputation et on s'en méfiait. Et pourtant, pour exercer son métier, il avait besoin de plus d'honnêteté que quiconque. Ainsi, parmi les récompenses accordés par la préfecture de Police pour acte de probité, figurent bien souvent des chiffonniers! Et il a maintenant, lui aussi, sa place dans la crèche.

Le savetier ambulant
En ce temps là, dans les premières années d’après-guerre, aux sons aigus, mais point mélodieux de son clairon, Raphaël, notre sympathique crieur public annonçait haut et fort: « Avis à la population : il vient d'arriver, place de l’Eglise, le cordonnier de Barjols. Réparation et mise au point de tout genre de chaussures. Qu'on se le dise !».
Un bien curieux personnage que ce cordonnier ambulant qui, précurseur, sans le savoir, avait aménagé un fourgon qui lui servait d'atelier et de logement, son épouse y faisant la cuisine. En somme, un camping-car d'avant-garde.
La durée des séjours de cet artisan variait entre deux et trois jours, une grande partie réservée à son travail, mais une journée entière sacrifiée à ses recherches.
Il faut dire que monsieur Kokoyan, c'était son nom, se disait radiesthésiste, éclairé et spécialiste de la baguette de coudrier. Quelques farceurs du village lui parlèrent de la grotte de la Cabre d’Or et durant de longues heures, c'est à la prospection et à la découverte éventuelle du supposé trésor que notre savetier se consacrait, et quand ironiquement, on lui faisait remarquer la vanité de ses efforts, stoïque et convaincu, dans son français particulier qu'il ne maîtrisait pas bien, il répondait : « maintenant, manger avec semelles, mais bientôt manger avec baguette ». Au fond, c'était une nature optimiste!

Profondément attaché au village d’Alleins où il a passé sa jeunesse et où il venait régulièrement voir sa famille, une fois devenu marseillais d’adoption, Léon Preteroti a transmis à l’association beaucoup de ses souvenirs à travers des « chroniques » savoureuses . Il a également contribué à l’ouvrage Mémoire d’Alleins.




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